C’est le temps d’être constructif

La gauche comme on la connaissait c’est effondrée. La "nouvelle" gauche qui émerge des cendres de l’ancienne traîne avec elle la majorité du bagage et des erreurs du passé. Sans direction claire, elle sait qu’elle veut bâtir quelque chose de nouveau mais n’est pas sûre ni de ce que ce sera ni de comment le bâtir. Elle se base à la fois sur un melting pot de traditions et sur aucune. Cette critique est facile à faire, ce qui est plus difficile c’est de pointer la bonne direction. Ce texte indique la direction qui doit être prise. [English original]

La gauche comme on la connaissait c’est effondrée. La "nouvelle" gauche qui émerge des cendres de l’ancienne traîne avec elle la majorité du bagage et des erreurs du passé. Sans direction claire, elle sait qu’elle veut bâtir quelque chose de nouveau mais n’est pas sûre ni de ce que ce sera ni de comment le bâtir. Elle se base à la fois sur un melting pot de traditions et sur aucune. Cette critique est facile à faire, ce qui est plus difficile c’est de pointer la bonne direction. Ce texte indique la direction qui doit être prise. [English original]

 

Il y a un courant à l’intérieur de la gauche qui se distingue par son opposition à la division entre dirigeantEs et dirigéEs dans les organisations révolutionnaires. Ce courant c’est l’anarchisme. Quoi qu’il en soit de nouvelles organisations ne devraient pas être bâties sur une base tournée vers le passé. Nous devons plutôt reconnaître que les mouvements anarchistes qui nous ont précédé ont eux aussi échoué, et pas seulement pour des raisons objectives. La question n’est pas de savoir si on doit construire une version internationale de la CNT, des Amis de Durruti où de n’importe quel autre groupe, aucun d’entre eux n’est un modèle adéquat. En effet, tout projet qui prend une organisation dans l’histoire et dis que c’est cela qui devrait nous servir de modèle semblerait plus intéressé par des résurrections historiques que par la révolution.

L’anarchisme met de l’avant une critique juste des problèmes globaux du marxisme. L’anarchisme a aussi manifesté des méthodes d’organisation basées sur la démocratie de masse. C’est là son importance, car non seulement explique-t-il pourquoi la gauche a échoué mais en plus montre-t-il la voie par laquelle elle pourrait réussir.

L’anarchisme c’est cristallisé autour de son opposition à l’idée que le socialisme peut être introduit par une petite élite au nom de la majorité. Il y avait, il y a et il y aura probablement toujours des marxistes pour dire que Marx était aussi opposé à cette idée. Dire ça, c’est oublier les polémiques historiques qui ont opposé marxistes et anarchistes à la fin des années 1860. Ça veut aussi dire ignorer tout ce qu’a voulu dire le marxisme depuis.

La critique anarchiste du marxisme peut sembler dans une certaine mesure non sophistiquée. Elle n’explique peut-être pas d’où vient le côté autoritaire du marxisme avec assez de profondeur. Dans les pays anglophones, bien sur, l’anarchisme parait faible théoriquement à comparé du vaste corpus littéraire du marxisme, mais la complexité et le détail ne rendent pas une analyse correcte, des fois les idées les plus simples portent en elles des vérités profondes (en fait si la complexité et le volume du corpus théorique seulement était la mesure utilisé, alors le christianisme et l’islam serait à considérer!). Quand le dossier des organisations anarchistes est comparé à celui des marxistes, on se rendre compte que sur les questions clés du socialisme du 20e siècle, comme l’état et le rôle des organisations révolutionnaires, les anarchistes étaient constamment du bon côté. Les pires déviations anarchistes, comme le partage du pouvoir avec les bourgeois républicains en Espagne, deviennent insignifiantes quand elles sont comparées avec les dommages fait par la social-démocratie où Staline.

La force de l’anarchisme a été sa foi dans la capacité de la classe ouvrière de prendre sa propre destinée en main sans intermédiaire. Ça et son rejet sans compromis de l’état et des manipulations politiques ont laissé un héritage qui détonne d’avec celui des autres courants de gauche. Ça le rend très différent de la social-démocratie et du léninisme qui ont des idées de bases très proches. Plusieurs vieux débats et le style dans lequel ils étaient mené n’ont maintenant plus de sens, et ça va prendre du temps avant que de nouveaux débats plus positifs deviennent la norme.

La réalisation de l’autogestion par des travailleurs et des travailleuses inspirés de l’anarchisme, dans une période où plusieurs croient que la social-démocratie et l’URSS ont démontré que le socialisme ne pouvait pas fonctionner, est d’une importance clé pour la gauche d’aujourd’hui. La révolution espagnole a été témoin de la gestion démocratique à la fois de large section de l’économie et d’un force militaire de taille par la classe ouvrière. Ça nous donne un exemple probant de la nature non utopique de l’autogestion. Dans la pratique l’autogestion a aussi émergée spontanément sous cette forme dans des révolutions où les idées anarchistes n’ont pas joué de rôle majeur, comme en Hongrie en 1956. À l’avenir pour l’inspiration c’est vers ces exemples que nous devrons nous tourner.

L’anarchisme anglophone

Ce dont le mouvement anarchiste a besoin aujourd’hui ce n’est pas du rappel de gloires passés. C’est que, pour être poli, dans les pays anglophones le mouvement anarchiste laisse beaucoup à désirer. À part les USA d’avant la guerre de 14-18, il n’y a pas de vraie tradition massive d’anarchisme. Et encore dans le cas américain, il s’agit plus d’un exemple d’idées anarchistes jouant un rôle majeur à l’intérieur d’un mouvement plus large que d’un mouvement de masse anarchiste. Il n’y a pas eu de vrai syndicalisme révolutionnaire où d’organisation de masse libertaire. Des individus anarchistes comme Emma Goldman ont peut être été des figures importantes mais elles ne représentent que des exemples isoléEs, pas des mouvements.

Dans les années entre les deux guerres mondiales, l’anarchisme a été quasiment détruit par les dictatures, le fascisme et le léninisme. Dans les pays où la tradition était faible, en particulier les pays anglophones, on a vu une mort complète de toute compréhension de l’anarchisme et sa ré interprétation par des académicienNEs, parmi lesquels George Woodcock. Cette ré interprétation a tenté de dérober à l’anarchisme sa base dans la lutte de classe et de le réduire à un libéralisme radical. À partir des années ’60, ça a eu, et ça continue d’avoir, des conséquences désastreuses pour la croissance de l’anarchisme dans ses pays.

Une des idées, introduite par ses académiciens, qui a fait le plus de mal fut celle voulant que l’anarchisme soit basé sur un code de conduite personnel plutôt que sur une lutte collective. Ça c’est partiellement fait par leur portrait de tous les pacifistes, de Tolstoi à Gandhi, en tant qu’anarchistes et partiellement par une lecture complètement erroné du mouvement anarchiste en Espagne. L’exemple espagnol est particulièrement absurde, les anarchistes sont dépeints comme des moralistes ne buvant pas de café plutôt que comme les membres d’une organisation de plus d’un milions de membres basée sur la lutte de classe. C’est vrai que les anarchistes ont une interprétation différente de celle qui nous inculqué par la culture capitaliste de ce qui est "bien et mal" mais ça vient de leur politiques et non le contraire.

L’anarchisme diffère du léninisme et de la social-démocratie en ce qu’il comprend que les moyens utilisés pour réussir une révolution socialiste déterminent le succès où l’échec de cette révolution. Ce n’était pas vrai des révolutions bourgeoise parce que c’était alors possible pour la nouvelle élite d’émerger peut importe la façon dont elle avait eu ses appuis. Le socialisme par contre a besoin d’une participation de masse. Il ne sera donc pas "donné en cadeau" par une élite et devra empêcher l’émergence des élites. Ça peut seulement être fait si la masse de la société agit déjà sur la base qu’aucun nouveau centre de direction ne peut émerger et qu’elle doit elle même planifier, créer et administrer la nouvelle société.

L’identification de l’anarchisme avec des mouvements contre-culturels (comme le punk-rock et de plus en plus la scène crusty/new age travellers) vient de cette interprétation libérale. En retour cette image de l’anarchisme comme un code personnel de conduite encourage la contre-culture à s’attacher l’étiquette anarchiste. Cet "anarchisme" est un mélange bizarre de règles qui vont de ne pas manger chez McDonalds à ne pas vouloir d’emploi. Plus que tout autre chose ce que ça représente c’est une rébellion sans espoir et une aliénation de la vie sous le capitalisme moderne. C’est un ghetto auto imposé, ces adhérantEs ne voient pas d’espoirs de changer la société. En fait la contre-culture est souvent hostile à toute tentative de s’adresser à qui que ce soit en dehors du ghetto, prétendant que c’est se vendre (selling-out). Cependant la contre-culture n’est pas entièrement apolitique. Une minorité significative, en Angleterre par exemple, vient à toutes les manifs et quand il y a des confrontations physiques avec l’état devient souvent la chaire à canon.

Il y a aussi des zones significatives à l’intérieur de la contre-culture où un travail est fait qui peut donner un exemple positif. Peut-être que le meilleur exemple de ça est le mouvement squatteur des dernières décennies qui a vu un grand nombre de personnes utiliser l’action directe pour régler le problème de l’itinérance en occupant des édifices vides. Bien sûr la majorité de ces personnes était extérieures à la contre-culture, des travailleurs et des travailleuses immigréEs, des jeunes sans-abri et des jeunes couples dont l’emploi ne peut pas couvrir le haut niveau des loyers à Londres et pour qui les logements sociaux n’étaient pas disponibles où inadéquats.

Quoi qu’il en soit, le fait qu’énormément d’anarchistes contemporains viennent à l’anarchisme par le biais de la contre-culture a des répercussions quand il s’agit de bâtir des nouveaux mouvements. Dans une certaines mesure ils et elles trouvent difficile de rompre avec les parties antiorganisationnelles de la contre-culture. Ce qui fait écho aux expériences négatives d’une autre partie des militantEs du mouvement qui ont eu dans le reste de la gauche des expériences négatives d’organisations révolutionnaires. La contre-culture tend aussi à voir la voie permettant d’aller de l’avant comme étant de gagner le ghetto à ses idées plutôt que d’interpeller la société mainstream et de s’impliquer dans ses institutions. Ayant identifié la gauche existante comme étant seulement intéressée par la théorie et la construction de l’organisation du Parti, ils et elles finissent par rejeter le besoin et de la théorie et de l’organisation. En bref, ils et elles essayent de créer leur propre nouveau ghetto auquel gagner les gens.

L’anarchisme aujourd’hui

Peut importe l’état lamentable du mouvement anarchiste dans les pays anglophones, il y a une tradition différente, beaucoup plus forte, presque partout ailleurs. Les limitations de langues restreignent notre capacité de commenter en profondeur plusieurs de celles-ci mais il y a des organisations anarchistes dans presque, si ce n’est pas tous, les pays d’Europe, d’Amérique centrale et d’Amérique du sud. Il y aussi des organisations dans certains pays d’Asie et d’Afrique. Dans certains de ces pays elles sont la plus grosse, si ce n’est pas la seule force de la gauche révolutionnaire.

C’est un secteur qui ne fait pas que seulement garder ses acquis mais est en fait en progression. Cette année, l’Association Internationale des Travailleurs (l’AIT), l’Internationale anarcho-syndicaliste, a souhaité la bienvenue à sa première section africaine, l’Awarness League du Nigeria, et est entrée en pourparlers avec deux autre syndicats d’Asie. Depuis le milieux des années ’70, des syndicats anarchistes se sont rebâti en Espagne et la SAC suédoise a évolué du réformisme à un retour à son anarcho-syndicalisme d’origine. Les anarchistes ont été la première section de la gauche à reprendre ses activités en Europe de l’est, la première marche d’opposition à Moscou depuis les années ’20 a été organisé par des anarchistes le 28 mai 1988 et s’ouvrait sur une bannière portant l’inscription "La liberté sans le socialisme c’est le privilège et l’injustice et le socialisme sans la liberté c’est l’esclavage et la brutalité", une citation de Bakounine. Dans la dernière année plusieurs groupes anarchistes ont émergés dans les républiques de l’ancienne Yougoslavie et certains ont commencé un processus de coopération contre la guerre. L’Amérique centrale et l’Amérique du sud a aussi vu des groupes réémerger publiquement et dans certain pays, comme le Venezuela, les anarchistes sont la seule force nationale de gauche.

Dans une période où toutes les autres sections de la gauche sont en déclin, l’anarchisme c’est rétabli et a commencé à croître. C’est vraiment remarquable considérant que cette croissance c’est faite presqu’exclusivement de façon interne, aucune ressource majeure ne fut pompée de l’extérieur. Comparez cela avec les groupes trotskistes qui ont injecté des ressources énormes en Europe de l’est, ce qui inclus envoyer des membres pour maintenir une présence permanente à Moscou et dans les autres capitales, pour relativement peu en retour. N’importe qui qui lit la presse trotskiste est au courant de leur constant appels de fonds pour les aider dans ce travail. Cette tentative d’importer le trotskisme dans n’importe laquelle de ses variétés a échoué à avoir un impact significatif. Les groupes anarchistes, au contraire, ont émergé des pays d’Europe de l’est pour faire contact avec nous à l’ouest. Ils étaient basé sur des "dissidents de gauche" redécouvrant une histoire bannie, leur membership venait de section de la société ayant aussi peu en commun que des intellectuelLEs et des fans de punk en passant par des militants syndicaux indépendants.

Donc même si la situation peu sembler pas mal isolée dans n’importe quel pays anglophones, il y a un mouvement pas mal plus grand et uni presque partout ailleurs. Il n’est en aucune façon parfait et est dominé par le syndicalisme révolutionnaire, mais c’est un début. La question pour nous et les lecteurs et les lectrices de ce texte est comment aller de l’avant pour bâtir des mouvements de masse anarchistes dans nos pays respectifs. Les débuts de tel mouvements existent dans presque tous les pays, l’anarchisme attirant constamment du sang nouveau et une nouvelle influence.

Le meilleur point de départ pour bâtir une nouvelle gauche est l’anarchisme considérant à la fois l’héritage historique de l’anarchisme et le fait que c’est présentement le seul mouvement substantiel antiléniniste mais révolutionnaire en existence. Mais quelle sorte de mouvement anarchiste est nécessaire? L’objectif doit être gardé à l’esprit, c’est à dire aider à la création d’une révolution qui fondera une nouvelle société sans classes et sans règne de minorités. Il doit aussi être reconnu que l’anarchisme dans le passé à échoué à remplir cet objectif, plus notamment en Espagne où il aurait put amener la révolution à bon port, au moins localement.

Nous devons apprendre des erreurs du passé. Ce n’est pas assez de bâtir de larges organisations lousse formées sur la base d’une opposition au capitalisme et sur une adhésion à l’anarchisme comme idéal. L’expérience nous a montré que celles-ci deviennent paralysées quand elles font face à une combinaison de circonstances non prévues comme pour la CNT espagnole, où lorsqu’elles sont effectivement kidnappée par des forces beaucoup plus petites mais plus cohérentes comme ce fut le cas de plusieurs des autres mouvements syndicalistes révolutionnaires. À des moments clés, elles sont sujette à hésiter et c’est a ces moments que des autoritaires peuvent sauter sur l’occasion et assumer le leadership de la révolution.

Encore plus important, la construction de groupes locaux avec la seule intention d’être présent mais sans visions pour devenir des mouvements de masses a peu à offrir quand vient le temps de créer une révolution libertaire. De tel groupes et les réseaux qui sont construit de fois en fois peuvent débuter brillamment mais perdent rapidement de vue leur raison d’être et cessent d’exister avec le temps. En Angleterre en particulier un large nombre de ceux-ci ont émergé dans la dernière décennie, en Irlande nous en avons eu quelques un. Cependant, ils ne laissent aucun réel héritage; qui peut ne serait-ce que se rappeler du collectif anarchiste de Dublin, du groupe communiste libertaire de Dundalk, de la fédération libertaire d’Écosse où du réseau anarchiste des Midlands?

Des anarchistes en Russie et en Espagne, après les révolutions qui ont marqué leur pays, ont tenter d’identifier pourquoi leur mouvements ont été défait par les forces autoritaires. Leurs conclusions sont remarquablement similaires et s’appliquent dans plusieurs pays à l’anarchisme d’aujourd’hui.

Des exilés russes ont formé un groupe à Paris qui a publié une brochure basés sur leurs expériences qui affirmait:

«Cette contradiction entre l’incontestable substance positive des idées libertaires et l’état misérable dans lequel le mouvement anarchiste végète, a son explication dans un certain nombre de causes, desquels la plus importante, la principale, est l’absence de principes et de pratiques organisationnelles dans le mouvement anarchiste.»

«Dans tous les pays, le mouvement anarchiste est représenté par plusieurs organisations locales prônant des théories et des pratiques contradictoires et qui n’ont aucune perspective pour le futur, pas plus qu’une continuité dans le travail militant, et qui habituellement disparaissent, sans laisser aucunes espèce de traces derrière elles.»

Une décennie plus tard, en 1938, un second groupe composé de milliers de membres de la CNT espagnole, les Amis de Durruti, a publié une brochure expliquant pourquoi la CNT avait échoué a compléter la révolution. Ça faisait partie d’une tentative, même à un moment si tardif, de retourner la situation:

«Nous (la CNT) n’avions pas de programme concret. Nous n’avions aucune idée de où nous allions. Nous avions en masse de lyrisme; mais quand tout a été dis et fait, nous ne savions pas quoi faire de nos masses de travailleurs, où comment donner une substance à l’effervescence populaire qui a fait éruption dans notre organisation. En ne sachant pas quoi faire nous avons livré la révolution sur un plateau d’argent à la bourgeoisie et aux marxistes qui supportaient la farce d’hier.»

Même si les Amis de Durruti parlaient de problèmes auxquels ils et elles ont fait face durant une révolution en marche, leur critiques s’appliquent aussi dans la situation actuelle. Le manque d’organisation empêche plusieurs groupes anarchistes d’être efficace et dans l’éventualité d’une révolution future les empêcheront de la mener à terme.

Ce dont on a besoin c’est d’une organisation qui a des idées cohérentes et une pratique de débat et de prise de décision démocratique. Une organisation capable de dealer avec les crises et prendre des décisions rapides sans avoir à s’en remettre à un "leadership". C’est une chose facile à dire, mais en pratique ce n’est pas facile à créer. Trop souvent de telles tentatives soit succombent à l’autoritarisme où bien s’effondrent dans le sectarisme et l’isolement. Elles deviennent isolées dans leur propre ghetto, intéressées par les polémiques mais incapables d’intervenir dans les luttes ni même intéressés à le faire.

Construire une organisation anarchiste efficace n’est pas quelque chose qui se fait en l’espace d’une nuit. Même la formation des politiques principales prend un certain nombre d’années. Ensuite le processus de convaincre les gens de la justesse de ces politiques et leur donner les capacités et les connaissances requises pour jouer un plein rôle dans une organisation révolutionnaire prend une quantité considérable de temps. Pour maintenir la cohérence et la démocratie l’organisation ne peut que grossir lentement quand elle est petite et même dans des circonstances idéales elle ne peut doubler peut-être qu’aux 6 mois où aux ans. Dans le cours de cette croissance c’est très facile de perdre de vue le but et de sombrer dans l’isolation, le sectarisme et l’inutilité.

Même avec la bonne théorie, une organisation est dépendante de l’expérience et de l’engagement de son membership pour mettre ses idées en pratiques et arriver à de nouvelles stratégies qui marchent. L’engagement nécessaire peut seulement être maintenu si la culture interne de l’organisation en est une où le débat est favorisé et le sectarisme découragé.

De toute évidence les positions politiques sont elles aussi importante mais la discussion de ce sujet dépasse la portée de ce texte. Quoi qu’il en soit, il est possible d’identifier des zones clés de pratiques organisationnelles envers lesquelles une organisation anarchiste doit avoir un engagement afin d’éviter les erreurs du passé et croître d’une façon cohérente et constante. Elles sont:

L’unité théorique et tactique

Une organisation est forte seulement parce qu’elle représente l’effort collectif de plusieurs individus. Pour maximiser cela, ces efforts ont besoin d’être complètement collectif, tous les membres travaillant vers un but commun avec des tactiques communes. Et cela non seulement en relation avec la révolution mais aussi dans toutes les sphères dans lesquelles l’organisation est impliquée. C’est ce qui a été appelé l’unité tactique.

Les organisations autoritaires pratiquent l’unité tactique parce que les ordres sont donné par la direction et l’unité n’est brisée que quand des désaccords émergent à l’intérieur de cette direction. Ces organisations peuvent avoir une adhésion formelle à l’unité théorique mais habituellement ça ne veut dire que l’habilité du membership de répéter ce que la direction dit. Ce n’est pas une option pour les anarchistes, de façon à aquérir l’unité tactique, il doit y avoir une réelle unité théorique. Ça requiert une discussion constante, de l’éducation et des débats sur toutes les questions idéologiques à l’intérieur de l’organisation dans le but de forger un corpus de positions clairement comprises et la capacité pour tous les membres d’en débattre et d’en présenter des nouvelles. Plutôt que de répéter comme des perroquets une ligne de Parti, il doit y avoir une compréhension organisationnelle sur comment voir et interagir avec le reste du monde.

Cette pratique ne donne pas seulement une force réelle à l’organisation dans ses activités, mais lui donne aussi la possibilité de réagir lors d’une crise. La compréhension développée et l’expérience du processus de prise de décision sont précisément les outils nécessaires quand vient le temps d’aider la création de la révolution et l’établissement d’une société socialiste basée sur une réelle démocratie. L’interaction continue des membres avec la société amène les compétences et les pratiques de l’organisation dans le mouvement plus large. Nous espérons que nos idées prédominent, non pas parce que nous avons le contrôle de positions particulières, mais à cause de la supériorité des idées de notre organisation.

Implication dans la vie quotidienne

Trop souvent les révolutionnaires se voient comme séparé de et au dessus de la vie quotidienne. La classe ouvrière est souvent comprise comme une entité distincte et étrangère plutôt que comme l’endroit où nous vivons et interagissons sur une base quotidienne. L’activité est vue comme la charrue à mettre derrière les boeufs de la théorie révolutionnaire. Certains marxistes font référence à cela comme la pierre angulaire de leur organisation. Ils et elles l’expriment de cette façon: "pas de pratique révolutionnaire sans théorie révolutionnaire". L’activité est donc vue comme au mieux la méthode avec laquelle de nouvelles recrues sont recrutés et au pire comme quelque chose qui n’est pas encore nécessaire.

Si bâtir une organisation révolutionnaire de masse était seulement une question de bonne théorie, alors peut-être qu’il y aurait quelque chose de bon avec cette approche, au moins pour les socialistes autoritaires. Un type qui "sait" va au sommet de la montagne, consulte les textes sacrés des dieux du socialisme. Il interprète les commandements pour les temps nouveaux, les inscrit sur des tablettes de granit et retourne aux masses assemblées dans la plaine, prêt à les conduire à la terre promise. Il s’agit encore d’une approche populaire à l’organisation révolutionnaire en ce moment.

Un regard rapide sur l’histoire de la gauche démontre cependant que les organisations de masses ne furent pas celles avec les meilleures théories, mais celles capable d’interagir le mieux avec la masse de la population. La force du maoïsme où des sandinistes, pour ne nommer que deux mouvements autrefois populaires, n’était pas dans leur clarté idéologique, loin de là. Elle se trouvait plutôt dans leur capacité d’interagir avec des sections significatives de la population, malgré la faiblesse de leur compréhension politique.

Les anarchistes doivent enraciner leur politiques fermement dans les luttes, peut importe le niveau auquel celle-ci se passent. Par cet implication, en tant que militantEs sérieux, un respect peut être gagné et donc une audience ouverte parmi la réelle "avant-garde", c’est à dire ceux et celles qui sont activement impliqués dans un combat à un niveau où à un autre contre le système. La théorie, autant que possible, doit être prise dans les expériences de lutte et testée par ces expériences. Elle doit être présentée de façon à ce qu’elle gagne une influence de plus en plus large dans les mouvements sociaux.

L’engagement

Trop souvent les groupes anarchistes sont composés d’un petit noyau de personnes qui font la vaste majorité du travail et du financement de l’organisation et d’une périphérie beaucoup plus large de personnes évitant cet engagement. C’est inacceptable et c’est une recette menant droit au désastre. Les organisations révolutionnaires ont besoin d’un large engagement à la fois financier et en énergie pour grandir. Tous les individuEs impliquéEs doivent être prêtEs à fournir cet engagement, il y a peu de place pour les hobbyistes.

La gauche passe par une période morne, un temps de défaite et de retraite qui s’étire sur plus d’une décennie. C’est trop facile de devenir démoraliséE. Ça fait cependant partie du prix à payer pour avoir suivi pendant un siècle une variété de cul-de-sac. La gauche est peut-être largement comateuse pour le moment mais la force qui l’a crée est active comme jamais. Le capitalisme est incapable de remplir les besoins des peuples de la planète, et tant qu’il existera il rencontrera des forces d’opposition. En Irlande, des causes comme le cas X et les charges de services, même si ce ne sont pas des offensives et ne devraient pas être dépeinte comme telle, démontrent comment les gens seront forcé de se défendre. Au Mexique, l’insurrection de l’EZLN du premier janvier expose les mêmes forces.

La question pour nous est de savoir comment éviter les erreurs des militantés qui nous ont précédés. L’anarchisme est faible pour le moment, mais la possibilité de bâtir les organisations et la confiance dans la classe qui est nécessaire pour amener un changement reste ouverte. Des opportunités révolutionnaires vont émergées, notre tâche est de bâtir les capacités et la confiance nécessaire pour les saisir. Ce travail commence maintenant.


 


Article d’ Andrew Flood , publié pour la première fois en 1994 dans Red & Black Revolution , un magazine communiste libertaire édité par le Worker Solidarity Movement

Nicolas Phebus
Groupe Anarchiste Emile-Henry

[English original]